Dans le domaine de la comptabilité des émissions de gaz à effet de serre, un nouvel acronyme est apparu dans le débat public : le PRG* (dit « PRG étoile »). Voici quelques actualités récentes le concernant :
- La Nouvelle-Zélande veut utiliser le PRG* pour sa comptabilité nationale d’émissions. Cette décision a été critiquée dans une lettre ouverte par plusieurs spécialistes du sujet.
- Planet-Score l’utilise pour l’impact carbone de l’alimentation (voir notre article sur le Planet-Score), ce qui – là aussi – suscite le débat.
- Le Haut Conseil pour le Climat a rendu un avis critique sur le sujet, dans son rapport annuel 2025 (voir page 104 du rapport).
A travers cet article, nous souhaitons revenir sur le PRG et son petit frère le PRG*. Nous ne livrons pas ici un avis critique sur les utilisations existantes et potentielles du PRG* mais nous cherchons à en expliquer le fonctionnement.
Qu’est-ce que le PRG, ou Potentiel de Réchauffement Global ?
Les différents gaz à effet de serre (le dioxyde de carbone, le méthane, le protoxyde d’azote, etc.) n’ont pas tous le même effet sur le réchauffement climatique. Autrement dit, une tonne de dioxyde de carbone émis dans l’atmosphère ne le réchauffera pas autant qu’une tonne de méthane, ni pendant aussi longtemps.
Pourtant, il est très utile de pouvoir comparer les impacts d’une tonne de dioxyde de carbone et d’une tonne de méthane car ils se comportent très différemment dans l’atmosphère. Voilà pourquoi le GIEC a introduit dans son premier rapport le « CO2 équivalent », pour avoir une unité de mesure commune entre l’ensemble des gaz à effet de serre. Et c’est le PRG, pour Potentiel de réchauffement global, qui permet justement d’obtenir les émissions en « CO2 équivalent » d’une activité émettrice.
Le PRG exprime la capacité d’un gaz à effet de serre à réchauffer l’atmosphère pendant une durée déterminée (on parle d’ailleurs souvent de PRG100, le calcul est alors fait sur 100 ans), comparativement à une tonne de dioxyde de carbone. Le PRG d’une tonne de dioxyde de carbone émise dans l’atmosphère sera de 1, là où le PRG du méthane (CH4) sera d’environ 21, ce qui signifie qu’une tonne de méthane dans l’atmosphère aura un pouvoir réchauffant équivalent à 21 tonnes de dioxyde de carbone.
Un petit détour par le forçage radiatif pour bien comprendre le calcul du PRG
Pour rappel, le forçage radiatif correspond à la différence entre les énergies reçue et émise par la Terre. Un forçage radiatif positif correspond à un réchauffement de l’atmosphère, tandis qu’un forçage radiatif négatif entraîne un refroidissement.
Le graphique présenté ci-après en figure 1 représente l’évolution du forçage radiatif de différents gaz (CO2, méthane) dans le temps après leur émission dans l’atmosphère. On comprend alors aisément les différences de comportement du CO2 et du méthane.

Ainsi, le forçage radiatif du méthane (en rouge) est très important après son émission dans l’atmosphère et il décroît fortement ensuite, jusqu’à être proche de zéro 60 ans après son émission.
Le forçage radiatif du CO2 (en bleu), lui, est nettement plus faible juste après son émission dans l’atmosphère mais reste quasiment stable sur 100 ans.
Le PRG d’un gaz correspond au rapport entre l’aire sous la courbe du forçage radiatif du GES considéré et celle du CO2, jusqu’à une frontière temporelle (ex : 100 ans pour le PRG100). Ainsi, la surface du méthane (en rouge) jusqu’à 100 ans correspond à 21 fois la surface du CO2 (en bleu), ce qui revient à dire que le PRG100 du méthane est de 21.
Les gaz à effet de serre ne persistent pas tous aussi longtemps dans l’atmosphère
On l’a dit, les gaz à effet de serre ont des comportements à long terme très différents dans l’atmosphère.
Ainsi, la durée de vie du dioxyde de carbone dans l’atmosphère se compte en milliers d’années. C’est pourquoi il s’accumule dans l’atmosphère : on parle d’effets cumulatifs. Chaque gramme supplémentaire de CO2 émis va s’ajouter aux précédents et contribuer à augmenter le réchauffement atmosphérique pour des dizaines de générations.
À l’inverse, le méthane (CH4) et le protoxyde d’azote (N2O) ont des durées de vie courtes (12 et 120 ans respectivement). Ainsi, si les émissions de méthane et protoxyde d’azote restent constantes, les sorties compensent les entrées. Leur concentration dans l’atmosphère va, elle aussi, rester stable, comme le montre la figure 2 :

Quelle est l’utilité du PRG*
Le PRG* cherche à concilier les différences d’impacts des gaz à effet de serre
Le PRG* est un complément d’information du PRG : il ne caractérise pas l’impact sur le réchauffement climatique d’un gaz à effet de serre, mais l’impact de la variation des émissions de ce gaz.
Prenons un exemple sur 100 ans pour bien comprendre.
Supposons que les émissions de méthane d’un territoire augmentent d’une unité par an pendant 50 ans, puis décroissent de la même quantité à partir de la 51e année pour revenir au niveau initial en fin de période. Avec le PRG, les évolutions en tonnes équivalent CO2 suivent celles des émissions réelles, puisqu’on passe de l’une à l’autre avec un facteur de conversion. Avec le PRG*, la quantité de tCO2e est constante tant que les émissions sont constantes, et la baisse des émissions la 51e année se traduit en émissions négatives d’équivalent CO2. Ces valeurs négatives signifient ici que l’ajout de méthane dans l’atmosphère à partir de la 51ème année va moins réchauffer l’atmosphère que précédemment, car une partie du stock de méthane va se dégrader en parallèle : le stock total de méthane diminue donc, comme on peut le voir sur le graphique ci-dessous :

Ainsi, le PRG* modifie fortement les hiérarchies des grands émetteurs, puisque le réchauffement additionnel généré par les émissions des pays va dépendre de leurs émissions passées. Dans le tableau suivant, on voit que les émissions de méthane de la Chine entre 1990 et 2020 sont plus élevées en PRG* qu’en PRG (ce qui signifie qu’elles ont connu une croissance pendant la période) alors que les émissions de l’Union Européenne, exprimées en PRG*, sont négatives. Encore une fois, cela ne signifie pas que l’Union Européenne a “capté” du méthane, mais que le méthane émis entre 1990 et 2020 n’a pas compensé la quantité de méthane qui s’est naturellement dégradée, donc que le stock de méthane dans l’atmosphère provenant de l’Union Européenne a baissé — et que son forçage radiatif a lui aussi baissé.

L’exemple de l’Union Européenne montre que l’on peut rester émetteur net et avoir un PRG* négatif. De plus, les émetteurs historiques ne sont pas du tout pénalisés, ce qui pose un problème de justice climatique. Enfin, une activité pourra avoir une empreinte carbone négative dès lors qu’elle aura réduit le forçage radiatif lié à cette activité entre t et t-1. Les bornes temporelles t et t-1 sont donc particulièrement importantes à considérer, c’est pourquoi on précise souvent : PRG100*.
La neutralité carbone exprimée en PRG* a donc un sens différent : cela ne signifie pas que les émissions du pays sont nulles, mais que les émissions du pays n’ont plus d’effet réchauffant sur la température moyenne.
Dans le graphique suivant sont présentées les émissions mondiales en équivalent CO2 selon qu’elles soient calculées en PRG ou en PRG*. Lorsque la courbe PRG passe sous l’axe des abscisses, cela signifie que les émissions de méthane de l’année en question sont plus faibles que la quantité de méthane de l’atmosphère qui va se dégrader, donc que le forçage radiatif lié au méthane cette année-là baisse.

Comment choisir entre le PRG et le PRG*
Dans son dernier rapport, le Haut Conseil pour le Climat indique que « Le GIEC ne fait aucune recommandation par rapport au choix des métriques, parce que le choix approprié dépend des objectifs pour lesquels elles sont employées ». Effectivement, ce ne sont pas des métriques opposées, mais complémentaires.
Il peut tout à fait y avoir un intérêt à raisonner en PRG*. Comme cet indicateur est plus sensible à la variation des émissions, il peut aider à mettre l’accent sur des politiques publiques qui vont avoir le plus fort impact à court terme sur le réchauffement, comme par exemple l’identification et la suppression des fuites de méthane issues de l’extraction pétrolière.
À l’inverse, une comptabilité carbone nationale exprimée en PRG* n’aurait pas de sens et reviendrait à s’affranchir de ses émissions historiques, puisqu’elle ne prend pas en compte le niveau d’émissions en valeur absolue mais simplement leur variation de façon relative.
Ainsi, nous pensons que le PRG* ne peut fonctionner seul mais doit fonctionner de concert avec le PRG – et que le PRG doit garder sa primauté dans les classements des pays par quantité d’émissions ou dans le suivi des comptabilités nationales.
