Dans cet article, nous présentons l’outil Planet-score, ses spécificités et sa méthodologie. Surtout, nous expliquons les raisons pour lesquelles nous considérons que son approche est la plus pertinente pour les produits alimentaires. Enfin, nous détaillons pourquoi cette approche peut inspirer d’autres méthodologies environnementales, bien au-delà de l’agroalimentaire.
Qu’est-ce que le Planet-score ?
Planet-score, c’est plusieurs choses à la fois :
- Une étiquette pour les produits alimentaires et agricoles destinée à éclairer le consommateur sur la valeur environnementale des produits qu’il achète. Elle informe également sur le bien-être animal en lien avec le mode d’élevage, pour les produits contenant des matières premières issues de l’élevage (par exemple un chocolat au lait présentera une étiquette avec une vache).
- Une méthode de calcul qui transpose des données sur les produits alimentaires en un score global (de A à E) et trois sous-scores (l’intensité d’usage des pesticides par la production agricole, les conséquences sur la biodiversité, et les conséquences sur le climat).
- Un outil pour faciliter la transition écologique des acteurs de la chaîne alimentaire, du producteur au distributeur en passant par l’industriel.
Planet-score permet de comparer des produits au sein d’une même catégorie (du beurre de différents fournisseurs) et des produits entre catégories (un beurre par rapport à une huile d’olive, une carotte par rapport à un steak).
Par exemple, voici les étiquettes pour deux produits de la catégorie des oeufs de poule :
Oeufs de poule bio

Oeufs de poule en cage

Planet-score s’applique aussi bien à des produits avec un ingrédient unique (ex : des œufs) qu’à des produits avec plusieurs ingrédients (ex : des biscuits). Pour les produits contenant plusieurs ingrédients, le résultat sur l’étiquette est calculé sur la moyenne pondérée des différents ingrédients qui composent le produit.
Planet-score a été créé par l’ITAB (Institut technique de l’agriculture biologique) et Very Good Future, avec le bureau d’études Sayari, et soutenu par de nombreuses ONGs (France Nature Environnement, Agir pour l’environnement, Générations Futures, etc.) et associations de consommateurs (UFC Que Choisir notamment). Aujourd’hui, il est porté par l’association Planet-score et son équipe.
En tant qu’entreprise de l’agroalimentaire, pourquoi et comment l’utiliser ?
Premièrement, Planet-score permet aux entreprises de l’agroalimentaire de valoriser leur démarche environnementale auprès des consommateurs. C’est l’un des objectifs de l’initiative et c’est aussi le retour des entreprises l’ayant adopté, comme en témoignent D’Aucy, Jardins du Midi, Ninkasi et Picard lors d’un webinar de 2024. Cette valorisation peut également être destinée à des partenaires financiers car il est possible de décliner la notation à l’échelle de l’ensemble du catalogue produits de l’entreprise.
Deuxièmement, Planet-score aide les entreprises de l’agroalimentaire à structurer leur démarche environnementale et à prioriser les chantiers d’amélioration. Ainsi, si vous êtes une entreprise spécialisée dans la fabrication de brioches industrielles, vous pourrez utiliser Planet-score pour :
- Comprendre plus facilement la valeur environnementale des ingrédients de vos brioches.
- Mener une démarche d’écoconception (choisir un fournisseur avec une meilleure notation pour le beurre parmi ceux référencés dans la base de données ‘beurre’ du Planet-score, ou remplacer le beurre par une autre matière grasse)
Comment ça marche ? Voici la marche à suivre pour une entreprise qui souhaite travailler avec l’outil Planet-score :
- Après avoir contacté l’équipe du Planet-score, l’entreprise détermine le périmètre des évaluations (ex : les produits à étudier), définit le calendrier et contractualise. Les réunions sont proposées en fonction des besoins, et de la maturité de l’entreprise dans la démarche.
- L’entreprise s’appuie sur les données dont elle dispose pour faire une première approche (exemples : composition massique des produits finis, emballages, données issues des bases de collecte de Biosphere ou PADV, données issues des outils de déclaration agricole pour la PAC des producteurs, labels, etc.).
- Lorsque la donnée manque, la note est par défaut la plus défavorable (ex : sur les haies, la couverture des sols…). Cela incite l’entreprise à prioriser les données manquantes, pour affiner (et parfois améliorer) sa note (ex : aller chercher les cahiers de traitement sur les produits phytosanitaires ou ajouter le % de haies dans les données que récolte le technicien auprès des agriculteurs).
- L’entreprise peut décider d’afficher les notes Planet-score, ou d’utiliser les résultats en interne pour piloter sa stratégie environnementale.
À noter : un accord de confidentialité est signé au démarrage du projet, qui permet notamment de couvrir en toute sécurité les données partagées, les résultats d’évaluation, ainsi que les échanges.
La plupart des entreprises qui affichent le Planet-score sur l’ensemble de leurs produits aujourd’hui ont commencé le travail il y a environ deux ans, mais certaines entreprises y arrivent en trois à six mois pour les plus rapides. En pratique, l’entreprise commence souvent par un pilote sur 50 à 100 références, puis l’applique à tout son catalogue.
Picard, par exemple, a initié la démarche en 2021, en testant d’abord une sélection de produits. Le Planet-score leur a permis de valider objectivement leurs intuitions environnementales. Ils ont ensuite élargi l’évaluation à tous les produits permanents de la marque.
Les entreprises qui souhaitent adopter le Planet-score doivent payer un abonnement annuel (de 300€ à 5k€, en fonction de la taille de la structure), ainsi qu’un coût par référence produit (de 10€ à 100€ par référence, en fonction du niveau d’analyse).
Où en est le déploiement du Planet-score ?
Le Planet-score s’adresse à toutes les entreprises de l’agroalimentaire (de la TPE / PME / ETI à la grande entreprise, des entreprises en B2B ou en B2C, de la ferme / coopérative agricole aux entreprises de transformation ou de distribution).
Avec plus de 300 marques d’entreprises basées dans 12 pays, le Planet-score est le dispositif le plus déployé à l’échelle de l’Europe en termes d’affichage environnemental pour l’agroalimentaire. On y trouve des marques connues (Picard, Monoprix, Greenweez, Franprix, Biocoop, La Vie Claire, etc.) qui représentent des millions de produits.
Le déploiement s’accélère notamment car certains grands distributeurs (Carrefour et Leclerc) prennent désormais en compte le Planet-score dans le référencement de leurs fournisseurs.
A noter que seuls les produits de la mer ne sont pas inclus aujourd’hui, mais la méthodologie est en cours de construction et devrait sortir en septembre 2025.
En quoi l’approche du Planet-score est unique
Une méthodologie au service d’une cause, celle de la transition de notre agriculture et de notre alimentation
La transition de notre alimentation vers un modèle résilient, soutenable et juste est documentée dans plusieurs études prospectives : le scénario Afterres 2050 biodiversité de Solagro, le scénario TYFA de l’Iddri, etc. Vous pouvez retrouver l’ensemble de ces études ici.
Les recommandations de ces études ne convergent pas en tout point. Néanmoins, un consensus existe sur la nécessité d’adopter une vision systémique en intégrant d’autres dimensions fondamentales que les émissions de gaz à effet de serre et la séquestration carbone.
Or, les méthodologies de mesure d’impact environnemental les plus couramment utilisées dans l’agroalimentaire, telles que l’empreinte carbone ou l’analyse du cycle de vie, peinent à rendre compte de manière satisfaisante de ces enjeux systémiques.
Pour y remédier, le Planet-score propose de rééquilibrer l’analyse en accordant une juste importance à des paramètres souvent sous-estimés, notamment en lien avec la santé et résilience des écosystèmes.
Un référentiel qui utilise les analyses de cycle de vie et les complète
Le Planet-score s’appuie sur une approche hybride pour évaluer la qualité environnementale des produits alimentaires. Il mobilise 12 indicateurs issus de l’analyse du cycle de vie (ACV), en les corrigeant pour mieux refléter certains enjeux systémiques comme le stockage ou le déstockage du carbone dans les sols agricoles, ou encore les émissions d’ammoniac, importantes dans les systèmes d’élevage. Ces ajustements permettent une représentation plus fine des impacts réels des systèmes de production.
Mais surtout, le Planet-score complète cette base en intégrant 13 indicateurs complémentaires qui couvrent des enjeux absents ou sous-estimés dans les approches classiques : la déforestation importée (liée par exemple au soja pour l’alimentation animale), la concentration des systèmes d’élevage et leur pression sur les territoires, la qualité des sols ou encore l’utilisation de pesticides et d’antibiotiques.
Au total, ce sont 25 paramètres clés qui sont mobilisés pour offrir une évaluation plus complète, lisible et pertinente de l’impact environnemental de chaque produit alimentaire :

La version complète des 25 indicateurs, leur définition précise et mode de calcul sont disponibles dans la synthèse méthodologique du Planet-score.
C’est – selon nous – la beauté du Planet-score : d’un côté une méthodologie sophistiquée et complexe pour pouvoir représenter le plus fidèlement possible les enjeux de transition systémique d’un secteur d’un autre un outil simple à utiliser et qui permet de travailler sur ce qui compte pour les entreprises du secteur : leur attractivité auprès des clients.
Une exigence scientifique qui bouscule
Pour finir, l’équipe du Planet-score s’autorise aussi à remettre en cause des normes existantes, notamment dans la comptabilité de gaz à effet de serre. Par exemple, selon le plaidoyer du Planet-score, la principale convention actuelle – le PRG100 (Potentiel de Réchauffant Global à 100 ans) – ne reflète pas correctement les différentes contributions du monde agricole au dérèglement climatique, en particulier l’impact des ruminants via leurs rejets de méthane.
Sans entrer dans les détails techniques – qui feront l’objet d’un article dédié – Planet-score prône l’utilisation du PRG* (Potentiel de Réchauffement Global ajusté) qui permet de prendre en compte de manière dynamique la courte durée de vie du méthane dans l’atmosphère (environ 12 ans), comme le présente l’agronome Xavier Poux dans cette conférence en ligne. En utilisant le PRG*, les émissions de méthane issues des ruminants sont divisées par trois par rapport aux calculs actuels.
Pour autant, le Planet-score ne prône pas le statu quo. Il s’aligne sur des travaux comme ceux du CNRS ou du scénario TYFA de l’IDDRI, en plaidant pour une réduction d’environ 50 % de la consommation de produits animaux d’ici à 2050.
Il apporte néanmoins une nuance importante : dans ces scénarios prospectifs, les cheptels de ruminants diminuent moins que ceux des monogastriques (porcs, volailles), car ils jouent un rôle clé dans l’équilibre des systèmes agricoles — notamment pour l’optimisation des sols et le bouclage des cycles de l’azote.
En définitive, la construction méthodologique du Planet-score permet de clarifier les directions à éviter dans l’avenir de notre alimentation (ex : modes de production intensifs, ultra-transformation, etc.) tout en apportant de la nuance sur certaines idées reçues véhiculées par des études fondées uniquement sur des comparaisons d’empreinte carbone. Ainsi, la viande de boeuf – qui est souvent décriée pour son impact carbone – peut obtenir un score A dans certaines conditions.
L’approche du Planet-score, source d’inspiration pour les futures méthodologies nature & biodiversité ?
On pourrait résumer l’approche du Planet-score de la manière suivante :

Dans ce type d’approche, la pondération des paramètres environnementaux a de fortes conséquences sur le résultat final. Elle doit donc faire l’objet d’un haut niveau de transparence pour créer de la confiance auprès des acteurs qui l’utilisent.
La méthode ACT Biodiversité, développée par l’ADEME et l’OFB, suit une logique similaire en pondérant le score obtenu sur chacune des neuf dimensions (empreinte sol, prélèvement d’eau, etc.) de leur référentiel en fonction du secteur d’activité.
À l’heure où de premières entreprises travaillent sur des plans de transition « nature », nous sommes convaincus que cette approche doit être dupliquée pour d’autres secteurs d’activité.
C’est d’ailleurs ce que nous explorons dans notre travail sur les thématiques nature et biodiversité pour les acteurs financiers.
