- L’alimentation est l’une des pierres angulaires de la transition écologique. Le secteur agroalimentaire a la particularité d’être à la fois l’un des plus générateurs de pressions sur l’environnement et l’un des plus vulnérables face à la dégradation de l’environnement.
- La transition environnementale de l’agroalimentaire n’est pas qu’une histoire de carbone. Elle doit intégrer, au même niveau, d’autres dimensions environnementales telle que la biodiversité ou l’eau.
- Pour les responsables de PME de l’agroalimentaire, décider de la marche à suivre n’est pas aisé. Face à cela, nous avons enquêté pour identifier les meilleures pratiques et nous proposons des recommandations.
- Nous avons regroupé ces recommandations en trois catégories de leviers : modification de l’amont agricole, décarbonation des procédés industriels, valorisation auprès des clients et des distributeurs.
- Pour chacune de ces trois catégories, nous organisons des conférences en ligne. La prochaine aura lieu le mercredi 4 décembre.
Les incroyables défis environnementaux du secteur
Le secteur agroalimentaire est particulièrement vulnérable face à la dégradation de l’environnement
En France, si les rendements agricoles ont été multipliés par 4 entre 1950 et 2000, ils stagnent depuis 2000. Cette stagnation s’explique aux deux tiers par le changement climatique (source : Sénat) et par l’effondrement des pollinisateurs. Pour rappel : 75% des espèces cultivées dépendent partiellement ou en totalité des pollinisateurs, soit 35% de la production alimentaire mondiale en volume (source : FAO)
Les impacts du secteur sur l’environnement sont significatifs et multiples :
Déforestation, pesticides, carbone, dégradation des sols, etc. – les impacts matériels sont si nombreux.
Deux chiffres sont particulièrement évocateurs :
- 75% des insectes européens ont disparu en 30 ans, en grande partie à cause de l’usage des pesticides pour l’agriculture ;
- 90% de la déforestation mondiale est liée à l’agriculture.
L’impact sur la santé, des consommateurs et des agriculteurs (pesticides, apports nutritionnels des aliments, etc.), est une source d’inquiétude croissante.
Freiner la surexploitation pour éviter de finir comme les morues du Canada.
L’exemple de la morue du Canada est particulièrement éclairant : historiquement, cette zone de pêche était parmi les plus « productives » pour la morue. De 1 500 au début du XXe siècle, une pêche artisanale assurait des prises estimées entre 150 000 à 200 000 tonnes annuelles, permettant une consommation dans toute l’Europe.
La dynamique change radicalement dans la seconde moitié du XXe siècle avec le développement de la motorisation et celui des radars et sonars, qui permettent d’aller plus loin et d’augmenter la précision des prises en localisant les bancs de poissons. En moins de 20 ans, les prises totales sont multipliées par 3 à 4 pour culminer à près de 800 000 tonnes en 1968.
L’issue est ensuite dramatique : les prises s’effondrent en quatre ans, pour devenir littéralement inexistantes en 1992.
Une organisation économique paralysante
On pourrait résumer l’inertie du secteur par un triangle de l’inaction entre les consommateurs, les producteurs (transformateurs et agriculteurs) et les distributeurs – où chacun renverrait aux autres les raisons de sa propre inaction.
Naturellement, le problème est plus complexe. Dans notre étude, nous nous sommes attachés à lister tous les freins à la transition du secteur. En voici, quelques-uns :
- Le manque de connaissances sur les différences des pratiques agricoles (conventionnel, bio, régénératif, agroécologie) ;
- L’acceptation sociale à dépenser plus pour ce qu’on mange ;
- La place de certains lobbys dans l’évolution de la réglementation ;
- le rapport de force imposé par les grands distributeurs.
Les entreprises du secteur ne restent pas les bras croisés
Pour autant, certaines entreprises pionnières font la démonstration qu’il est possible d’agir dès maintenant. Après avoir discuté avec chacune d’entre elles, nous avons pu identifier plusieurs leviers d’amélioration.
Nous avons regroupé ces leviers en trois catégories :
- Modifier son amont agricole
- Décarboner des procédés
- Valoriser auprès des clients et distributeurs.
Ces catégories de leviers ont leurs spécificités. Par exemple, l’amont agricole concentre les pressions environnementales mais une entreprise agroalimentaire n’y a qu’une influence modérée. À l’inverse, ses procédés ne sont pas ce qui génère le plus de pression mais l’entreprise y exerce un contrôle direct.
Ces leviers seront détaillées lors de nos prochains webinars. Ils feront partir d’une étude que nous publierons dans les mois à venir. En attendant, voici quelques exemples de leviers dans les trois catégories :
Modification de l’amont agricole
Faire évoluer ses recettes
Cela consiste simplement à réduire la part d’ingrédients à fort impact environnemental vers des ingrédients à faible impact environnemental.
Par exemple, la société de restauration collective FoodChéri a supprimé de sa carte quatre produits phare à fort impact environnemental : cabillaud, crevettes, boeuf, avocat. D’autres entreprises – comme Sodebo, Labeyrie ou encore La Belle-Iloise – poursuivent une stratégie de végétalisation de leurs produits.
Tout en flexibilité
La dégradation de l’environnement et les aléas climatiques provoquent des rendements plus aléatoires qu’auparavant. Pour y faire face, les entreprises agroalimentaires doivent apporter de la flexibilité à leurs outils de production.
Basée en Loraine, la coopérative Vegafruits représente 40% du marché mondial de la mirabelle. Elle est organisée de manière à pouvoir valoriser les produits différemment (purée de fruits, surgelé, fruits frais, etc.) en fonction des aléas climatiques. Un épisode de gelée nocturne à l’horizon ? La coopérative s’activera pour récolter les fruits et les valoriser sous la forme de purée de fruits. L’agilité est salutaire.
You’ll Never Walk Alone
Sans changer de recette, faire évoluer sa stratégie d’approvisionnement et / ou accompagner ses fournisseurs est une nécessité.
Un prérequis consiste à investir dans la traçabilité de sa chaîne d’approvisionnement pour mieux comprendre les pratiques, les impacts et les risques. Par exemple, le spécialiste de la transformation du cacao Valrhona a fortement investi dans la traçabilité de ses produits : aujourd’hui, la majorité de leurs fèves de cacao sont tracées depuis les parcelles, ce qui leur permet de garantir qu’aucun de leur produit ne provient d’aires protégées. Surtout, renforcer votre lien avec votre premier maillon agricole est un gage de résilience pour votre activité.
Vous pourrez ensuite travailler main dans la main avec vos fournisseurs avec des contrats de long terme pour encourager l’évolution des pratiques de production plus durables et plus résilientes. Quelques exemples :
- Andros vise 10% de sa production de pommes en agroécologie d’ici 2025 via l’accompagnement de ses fournisseurs.
- Coteaux Nantais accompagne ses vergers partenaires vers la biodynamie.
- Labeyrie a mis en place des programmes agroécologiques avec ses producteurs d’olives partenaires en Grèce.
Votre propre activité agricole
Vous pouvez aussi encourager la création de nouvelles filières agricoles pour les produits pour lesquels l’offre n’est pas là. Par exemple, la startup Hari&Co a structuré sa propre filière de légumineuses en 2021 pour garantir son approvisionnement.
Adopter un référentiel d’agroécologie
Enfin, pour identifier des fournisseurs ayant des pratiques agricoles durables et résilientes, vous pouvez vous reposer sur de nouveaux référentiels. C’est la vocation de Pour une Agriculture du Vivant, un mouvement qui vise à accélérer la transition agricole vers l’agroécologie, avec des outils et des méthodes au service des agriculteurs.
Décarbonation des procédés
Les émissions directes de gaz à effet de serre d’un site industriel agroalimentaire sont généralement concentrées sur le gaz naturel, l’électricité et fuites de fluides frigorigènes. Pour réduire ces émissions, plusieurs leviers sont possibles :
Chaleur : entre électrification et récupération
Parmi les principaux procédés énergivores dans l’agroalimentaire, on trouve surtout du séchage (généralement < 200 °C), du chauffage des fluides (vapeur) et des fours basse température (< 400 °C). Leurs températures modérées font qu’ils sont relativement faciles à électrifier, en tout cas plus faciles que ceux d’autres industries (ex : verre, métal, etc.).
Parfois, il est plus simple de récupérer la chaleur « perdue » par certains procédés. Par exemple, la Brasserie du Pays Flamand doit refroidir ses cuves de bières pour garantir leur qualité. La brasserie a installé des pompes à chaleur pour récupérer cette chaleur « perdue » et chauffer l’eau des bureaux. Résultat ? 25% d’économie d’énergie.
Efficacité énergétique
En innovant et en repensant leur usage de l’énergie (chasse au gaspillage, optimisation), l’industrie agroalimentaire pourrait obtenir un gain d’efficacité énergétique de près de 30% d’ici 2030 par exemple, d’après l’Ademe.
Comme pour toutes les entreprises industrielles, les leviers d’efficacité énergétique sont multiples et spécifiques aux procédés en question (malaxage, pasteurisation, fermentation, ébullition, etc.).
Énergies renouvelables
Enfin, de nombreux industriels de l’agroalimentaire ont investi dans des capacités d’énergie renouvelable. L’entreprise Sodebo a, par exemple, déployé 80 000 m2 de panneaux photovoltaïques, ce qui en fait le plus grand parc français en autoconsommation. La production cible représente 11% de la consommation totale annuelle de l’entreprise.
Pacte Industrie, le nouveau guichet de l’ADEME
Pour décarboner leurs procédés, les entreprises de l’agroalimentaire ont un allié de poids : l’ADEME et son nouveau guichet Pacte Industrie. Son objectif ? Aider les industriels dans leur transition énergétique et bas carbone, avec des formations et des études. Trois sujets sont couverts, dont le management de l’énergie. Les subventions sont incitatives : Pacte Industrie finance 60 à 80 % des coûts des études et propose même une prime allant jusqu’à 40 000€ pour la mise en place de la norme ISO 50 001 (Système de Management de l’Energie) sur site industriel.
Valorisation auprès des clients et distributeurs.
L’approvisionnement en produits plus durables permet d’augmenter la résilience mais provoque généralement un surcoût pour l’entreprise. Cette transition n’est donc possible que si les coûts de transition sont partagés, notamment avec le client final. Il paraît donc indispensable de valoriser efficacement sa démarche pour qu’elle puisse exister et – surtout – durer.
S’associer avec des distributeurs spécialisés
Si votre entreprise commerciale une marque B2C, vous pourrez valoriser votre démarche de transition en commercialisant vos produits auprès de distributeurs spécialisés comme Biocoop, Naturalia, La Fourche ou encore Greenweez.
Participer aux démarches des grands distributeurs
Si vous travaillez avec des grands distributeurs, sachez qu’ils mènent – eux aussi – des programmes en faveur de la transition agroécologique. Par exemple, le groupe Carrefour mène une démarche collective avec l’Ademe et propose à 50 de ses fournisseurs de suivre le programme ACT Pas-à-Pas et ainsi de construire leur plan de transition environnemental.
Bousculer les habitudes alimentaires par un marketing puissant
Il n’est pas si évident de faire de l’impact environnemental un facteur de poids dans la décision d’achat du consommateur final. Certains y arrivent. Foodchéri affiche le poids carbone de chaque plat disponible afin de sensibiliser et d’orienter vers les plats les moins impactant ;
Tous les travaux de prospective, comme l’excellent Afterres2050 de Solagro, montrent que la substitution de la viande par des produits végétaux est un levier absolument nécessaire. Pour accélérer ce changement, certaines marques de traiteurs végétaux n’hésitent plus à mener des campagnes marketing décomplexées, comme celle réalisée par les startups La Vie, HARi&Co et HappyVore dans le métro parisien (source : vegconomist.fr)
Transparence totale, confiance restaurée
Néanmoins, la transition ne peut advenir qu’avec des consommateurs lucides et désireux d’acheter les bons produits alimentaires. Pour leur permettre de faire le bon choix, ils ont besoin de transparence et de confiance. En cela, des marques comme C’est qui le Patron ?! ou Omie mènent de véritables révolutions.
Tout ceci peut aussi prendre un nouvel essor grâce au Planet Score, un cadre méthodologique d’affichage environnemental puissant qui repose sur trois dimensions : une note globale, trois sous-indicateurs et un indicateur sur le bien-être animal.
En conclusion
Il est grand temps de changer de modèle d’urgence car le modèle actuel arrive en bout de course et n’est ni soutenable, ni résilient
Pour y arriver, il existe une multitude de leviers, qui doivent être documentés et généralisés.
Cela sera l’objectif de nos livrables. Rendez-vous le 2 décembre pour le premier épisode de notre série de trois webinaires. Lien d’inscription.