Comment décarboner votre chaîne de valeur
Étude
Certaines entreprises sont bloquées dans la réduction de leurs émissions carbone significatives car celles-ci sortent de leur contrôle direct. En effet, certaines sources d’émissions dépendent intimement de plusieurs acteurs et seules des logiques de coopération peuvent permettre de lever les blocages. Ce sujet, pourtant essentiel pour la décarbonation de l’économie, est aujourd’hui sous-documenté. C’est pourquoi nous avons créé ce guide. Et en plus de ce guide, vous trouverez le replay de notre webinar de présentation par ici.
La décarbonation des PME-ETI : par où commencer ?
PME – ETI : des entreprises à la fois autonomes et dépendantes des autres
Une entreprise est à la fois une unité organisationnelle autonome et le maillon d’une chaîne de valeur spécifique, qui comprend aussi des fournisseurs, des clients et des concurrents.
Cette chaîne de valeur est elle-même inscrite dans une dimension collective plus large, qui la relie à un territoire, à des réglementations, des fournisseurs, des clients, et à l’opinion publique.
Chaîne de valeur : un niveau de contrôle variable selon les sources d’émission
Lorsque l’on cherche à estimer l’empreinte carbone d’une entreprise, la première étape consiste à cartographier les flux, c’est-à-dire lister tous les flux dont l’entreprise est responsable et dépendante.
Prenons l’exemple d’une boulangerie : elle achète ses matières premières (farine, chocolat, sucre), ses artisans doivent se rendre au fournil (voiture, transports en commun, vélo), elle livre son pain aux restaurateurs locaux via un prestataire de transport, etc.
Ensuite, il convient de caractériser les flux en fonction du niveau de contrôle que l’entreprise peut exercer. Dans le cas des déplacements domicile travail par exemple, le contrôle de l’entreprise est intermédiaire. Elle dispose de leviers non négligeables pour inciter à la mobilité douce ou au covoiturage, mais le choix du mode de transport dépend aussi de l’offre disponible sur le territoire et in fine du libre arbitre du salarié.
Les flux d’une entreprise sont ainsi tous imbriqués, à des degrés divers, dans un écosystème d’acteurs et de réglementations.
Agir pour décarboner de son côté n’est souvent pas suffisant
Une entreprise qui souhaite réduire ses émissions de gaz à effet de serre dispose de deux périmètres d’action :
1. Ses opérations, sur lesquelles elle a un contrôle fort.
Nous parlons ici des sources d’émissions dites de “scope 1 et 2” (ex : gaz pour chauffer un bâtiment, carburant des véhicules de fonctions) mais aussi d’autres sources d’émission, dites de “scope 3”, directement liées à son fonctionnement (ex : les déplacements professionnels de ses collaborateurs). L’entreprise peut réussir, seule, à réduire significativement ces sources d’émissions.
2. Sa chaîne de valeur, en amont et en aval de son activité.
Par exemple ses achats de matières, le transport de ses marchandises, etc. Ici, l’entreprise n’est pas seule maître à bord et dans certains cas, elle n’est pas maître du tout. Pour réduire significativement ces émissions, l’entreprise doit agir en coopération avec d’autres acteurs de son écosystème. Ce n’est pas simple… et pourtant, c’est souvent là que se situe une majorité des émissions.
Comment s’engager dans la décarbonation de sa chaîne de valeur ?
Vous l’aurez compris, la majorité de l’empreinte carbone est souvent située en dehors du périmètre opérationnel d’une entreprise, c’est-à-dire dans sa chaîne de valeur (scope 3) au niveau fournisseurs, distributeurs et clients.
La collaboration avec ses parties prenantes est donc cruciale pour la décarbonation, d’autant plus pour une PME/ETI qui n’a pas les mêmes leviers qu’une grande entreprise. Mais comment s’y prendre et surtout, par où commencer ?
Magelan publie “PME, ETI : le guide pratique pour décarboner sa chaîne de valeur” à destination des dirigeants et des responsables RSE qui souhaitent savoir comment engager leurs parties prenantes.
Ce guide est destiné à celles et ceux qui ont la volonté d’adopter un leadership sur ce sujet pour décarboner en profondeur leur modèle ; et qui sont convaincus que plus tôt ces changements seront adoptés, plus l’industrie sera vertueuse.
L’objectif de cette étude est de fournir des pistes d’actions et des exemples inspirants aux entreprises pour la décarbonation de la chaîne de valeur amont.
Trois exemples d’entreprises ayant réussi à engager une démarche de décarbonation de leurs chaînes de valeurs
Tactique 1 : coopérer avec ses fournisseurs
L’entreprise Le Petit Ballon distribue des bouteilles de vin via une plateforme e-commerce et quelques boutiques. Ses principales émissions concernent les bouteilles de vin qu’elle achète, et leur distribution du vigneron jusqu’au client final. En étudiant ses leviers, l’entreprise s’est aperçue qu’il y avait beaucoup de choses à faire au niveau des pratiques viticoles.
En effet, celles-ci peuvent générer plus ou moins d’émissions (ex : utilisation de machines agricoles thermiques ou non, utilisation de plus ou moins d’engrais) mais aussi capter plus ou moins de CO2 dans la terre cultivée. L’entreprise est un distributeur et ne produit pas de vin elle-même. Pour agir sur les émissions de sa chaîne de valeur, elle a donc constitué un collectif de vignerons et organisé des groupes de travail en partenariat avec l’association Pour une agriculture du vivant, qui forme les agriculteurs aux pratiques régénératives.
Tactique 2 : coopérer avec les autres clients de son fournisseur
L’entreprise Picture conçoit et commercialise des vêtements action-outdoor (ski, snowboard, surf, lifestyle). L’entreprise sous-traite la fabrication des vêtements, qui est réalisée sur plusieurs sites, principalement en Turquie et à Taiwan.
Les étapes liées à la fabrication (notamment filature, tissage, teinture) sont particulièrement énergivores et émettrices car les sites de production se situent dans des pays où l’électricité est plutôt carbonée. Un levier de réduction évident consiste donc à installer des capacités de production d’électricité renouvelable sur les sites de production
Néanmoins, comment mettre en place ce projet, qui nécessite de l’investissement, auprès de ces sites industriels ? Picture a identifié avoir des partenaires industriels en commun avec d’autres marques de l’industrie textile et a lancé des discussions. Depuis, chaque marque cofinance (à hauteur de son % d’affaire dans l’usine en question) un audit énergétique pour identifier les leviers clés de décarbonation, puis la mise en place des actions recommandées. Il peut s’agir de mieux isoler l’usine, électrifier un process de création de chaleur, ou installer des panneaux solaires sur le toit pour être moins dépendant du mix national.
Tactique 3 : créer une coalition avec ses concurrents pour demander plus de réglementations
L’entreprise Loom conçoit et commercialise des vêtements. Le constat de Julia Faure, sa dirigeante, est clair : malgré l’essor de marques qui limitent l’impact environnemental de leurs productions, les émissions de gaz à effet de serre du secteur de la mode ne baissent pas. En cause, une réglementation environnementale aujourd’hui trop peu contraignante sur les acteurs du textile, notamment les grandes enseignes, qui ont un avantage économique à produire beaucoup, de piètre qualité et dans des produits où l’électricité est très carbonée. C’est ce qu’elle appelle “la prime au vice”.
Face à ce constat, Loom et d’autres entreprises du textile se sont rassemblées pour fonder l’association En mode climat dont la mission est d’utiliser leur pouvoir d’influence pour pousser des lois plus contraignantes sur le secteur : lutte contre la surproduction, relocalisation de la fabrication et recyclage des matériaux. En cherchant à changer les règles du jeu pour leur secteur, l’objectif du plaidoyer est de revaloriser les efforts de décarbonation et ainsi d’en lever les freins financiers.
Aujourd’hui forte de plus de 500 membres qui ont signé la charte du collectif, En mode climat participe à créer un écosystème soudé de marques qui ont une voix dans les évolutions législatives (ex : dans la définition du cahier des charges de la filière Responsabilité élargie des producteurs).
Pour aller plus loin, vous pouvez visionner le webinar de présentation en replay sur ce lien.